Nombreux sont les instituts qui proposent en accompagnement du jeûne des soins (massages, hydrothérapie, gymnastique…) sensés accélérer l’élimination des toxines. Cette vision est aussi partagée par de nombreux naturopathes ou médecins spécialistes du jeûne.
Mais peut-on réellement forcer le corps à accélérer son nettoyage ?
Avant de répondre à cette question, définissons au préalable ce que l’on entend par « élimination ».
Bien souvent on confond « excrétion » et « élimination ». Lorsqu’on prend un diurétique (sous forme de complexe de plantes ou autres) pour uriner davantage ou que l’on utilise une technique laxative (hydrothérapie du colon, lavements ou plantes drainantes …) pour favoriser la vidange des intestins, on ne fait qu’accélérer l’excrétion de déchets qui auraient tout de même fini par être évacués hors du corps. Ce qui est contenu dans les reins, vessie ou intestins n’est en fait que des déchets déjà en voie d’être éliminés et déjà en dehors du milieu cellulaire.
Or, c’est au plus profond de nos tissus que l’élimination doit se faire pour améliorer les échanges cellulaires et libérer le corps de ses toxines profondes. L’élimination se confond donc avec l’autolyse. Eliminer, c’est désintégrer ses vieilles structures profondes et les transformer afin de les utiliser pour régénérer nos organes. Shelton écrit : « La texture, la tonicité, l’aspect et l’utilité de nos organes et de nos fonctions seront aussi beaux, après avoir été purifiés et nettoyés par le jeûne, que sont les soieries et les dentelles salies, après l’opération de nettoyage. » (3)
Ainsi, on comprend que les stimulations périphériques favorisant diverses excrétions tels que les lavements, des respirations profondes, des exercices, des bains, l’ingestion de grandes quantités d’eau ou de tisanes, le sauna, le hammam…n’auront pas d’effets sur l’activité auto-lytique mais ne feront que stimuler la fin du processus d’élimination. Certes, il est important que toutes les voies de l’excrétion fonctionnent correctement durant un jeûne car les reins, la peau ou les intestins vont recevoir une quantité non négligeable de déchets à filtrer et extraire du corps, mais en aucun cas les soins décrits ci-dessus n’accélèreront l’élimination au niveau cellulaire. C’est même le contraire qui risque de se produire.
Certains jeûneurs pensent par exemple qu’en faisant plus d’exercices pendant le jeûne ils élimineront plus rapidement toutes les impuretés contenues dans leur corps. En réalité, toutes ces techniques sont pour de nombreux hygiénistes, inutiles et provoquent même des pertes d’énergie nerveuses. En effet, réaliser une marche de deux heures, prendre des bains ou faire du sauna, … ne font que détourner notre énergie nerveuse du processus d’autolyse. Shelton précise : « Toute nouvelle source d’énervation devient un nouvel obstacle à l’élimination. Tous nos efforts devraient tendre à conserver par tous les moyens les forces et les réserves du malade, et non à la dissiper aussi rapidement que possible. Le repos, le calme, la tranquillité, la chaleur sont plus importants que n’importe quelle méthode de traitement jamais conçue ». Il rajoute « Rien d’autre ne peut mieux augmenter l’élimination par toutes les voies d’excrétion que le jeûne. Rien d’autre ne fournit aux organes d’élimination une occasion semblable de combler leur retard et de mettre leur travail à jour » (3).
On ne peut donc pas stimuler ou augmenter l’élimination par une quelconque technique tout simplement parce qu’on ne peut intervenir dans un processus entièrement autogéré par l’organisme sans l’entraver. C’est toujours le corps qui va orienter son travail d’élimination en fonction de ses besoins et de l’énergie vitale dont il dispose. Est-il pertinent de stimuler les reins alors que le corps est en train de mobiliser l’essentiel de son énergie nerveuse vers les profondeurs tissulaires ?
La médecine allopathique aura du mal à admettre les bienfaits du jeûne car elle ne peut admettre qu’il puisse exister une intelligence biologique (la nature guérisseuse, « Naturae médicatrix » dont parlait Hippocrate). Cette approche vitaliste consiste à reconnaitre l’idée que notre corps possède en lui des capacités auto-guérisseuses et autorégénératives. La médecine officielle est une médecine interventionniste qui ne peut donc concevoir de laisser le corps agir de lui-même. Pourtant, la meilleure chose à faire pour favoriser l’élimination est de placer l’organisme dans les conditions idéales pour économiser ses réserves d’énergie vitale.
Comment réaliser cela ?
Tout simplement en se reposant: limiter les déplacements et les exercices physiques, éviter de se confronter à des agressions sensorielles (froid, bruits, pollutions…), ne pas chercher à faire de soins (hydrothérapie, drainages…), s’éloigner de ses soucis quotidiens, éviter toutes sortes de stimulations coûteuses sur le plan nerveux qui nuiraient au travail de régénération organique. L’une des principales consignes à respecter pour le jeûneur est de garder le lit tant que cela reste agréable pour lui.
C’est pendant le sommeil que le travail d’élimination et de restauration tissulaire est le plus intense !
Une autre idée préconçue souvent répandue est qu’il faut beaucoup boire d’eau pour éliminer davantage. Pourtant, l’eau bue en grande quantité ne fera que diluer les urines. Au final, je ne fais qu’éliminer l’eau ingurgitée en faisant travailler davantage mes reins mais la quantité de déchets rejetée est la même. Les reins travailleront plus mais ils ne filtreront pas plus de déchets.
De plus, lors du jeûne, la soif ne se fait pas trop sentir. Il y a même des jours où l’eau écœure le jeûneur. Les expériences de jeûne sec (sans boire) montrent que le corps s’accommode très bien d’une absence de boisson durant près d’une semaine sans que le rein n’éprouve de difficulté dans son travail de filtration. Les jeûneurs que j’ai pu accompagner sont effectivement rapidement dégoûtés par la tisane ou même par l’eau. Ils s’aperçoivent bien vite que les petits désagréments digestifs des premiers jours (nausée, reflux gastrique…) sont bien mieux supportés lorsqu’on ne boit qu’avec parcimonie.
Cependant, il est préférable de laisser le jeûneur gérer librement sa consommation d’eau en fonction de ses besoins.
Pour résumer je reprendrais ce que dit Nicole Boudreau « Le corps en jeûne se livre donc à une vaste opération de rénovation afin d’extraire de ses structures usées des substrats qu’il recyclera pour s’en nourrir. Outre la stimulation de l’autolyse des tissus, le jeûne accélère le nettoyage des vaisseaux, des cellules et du milieu dans lequel elles baignent (milieu interstitiel).
[…] En somme, le jeûne est une séance intensive de réparation et de décrassage de l’organisme. Dans notre vie de tous les jours, nous mangeons et assimilons des aliments régulièrement. En jeûne, le corps n’assimile plus : il désassimile et élimine à temps plein ses réserves, ses déchets, ses tissus endommagés. Il investit ses énergies dans la mise à jour de toutes ses fonctions biologiques et se répare ».
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