Les facteurs de croissance des produits laitiers sont-ils nocifs ?
Apres la réflexion sur les graisses, les protéines et le sucre des produits laitiers il nous reste à répondre à la question sans doute la plus polémique : les facteurs de croissance contenus dans le lait augmentent-ils nos risques de cancer ?
Le professeur Joyeux aime expliquer dans ses conférences que « le lait de la vache est fait pour faire prendre 100kg à son veau en une année ». Il contient pour cela des facteurs de croissances (IGF 1 insulinique, EGF épidermiques, et TGF-B transformants). qui stimulent fortement la croissance des cellules pour faire grossir rapidement le veau...
Leurs effets sont d’autant plus importants que l’animal est gros. Il est alors normal de s’inquiéter de l’influence de ces molécules sur la prolifération de cellules cancéreuses et ce d’autant plus, que des chercheurs aussi prestigieux que Walter Longo qui travaille sur les effets thérapeutiques du jeûne sur le cancer, a mis en évidence la hausse de l’IGF-1 comme facteur de risque des cancers. La question que nous posons aujourd’hui est : les facteurs de croissances du lait de vache peuvent-ils stimuler la prolifération cellulaire et favoriser le cancer ?
Les détracteurs des produits laitiers s’appuient sur des études mettant en relation consommation de produits laitiers et augmentation des risques de cancer. Cependant les résultats de ses études sont bien trop contradictoires pour en tirer la moindre conclusion.
Par exemple, dans le cas du cancer de la prostate (souvent pris en exemple par le professeur Henri Joyeux), l’augmentation du taux sanguin d’IGF-1 a été identifiée par de nombreuses études transversales comme un facteur de risque. Mais si l’on s’intéresse à des études plus qualitatives en matière d’observation, on s’aperçoit que 11 des 14 études de ce type retenues par une méta-analyse de 2009 (1) ne parviennent pas à établir de lien significatif entre IGF-1 et cancer de la prostate. Plus récemment encore, deux études réalisées en 2010 et 2012 n’ont pas réussi à mettre en évidence d’association entre IGF-1 et augmentation du risque de cancer de la prostate (2) (en fait, celle de 2012 a même identifié une association inverse entre IGF-1 et cancer de la prostate, ce qui évoquerait un rôle protecteur de l’IGF-1 !).
A travers cet exemple, on voit donc qu’il n’est pas aisé de démontrer une association entre IGF-1 et cancer, et que l’éventuelle existence d’un lien de cause à effet entre les deux est encore moins évidente. Cependant...
La question qu’aurait du se poser ceux qui accusent les facteurs de croissances d’être un facteur de risque de cancer est la suivante: L’IGF-1 contenu dans le lait augmente-t-il notre taux sanguins d’IGF-1 ?
Les études que nous venons d’évoquer concernent uniquement la production endogène d’IGF-1, c’est-à-dire celle que produit notre corps. Pour que l’IGF-1 du lait ait une influence sur le supposé risque de cancer, encore faut-il qu’il traverse la barrière intestinale et rejoignent la circulation sanguine en quantité significative.
Quelques études sont intéressantes à ce sujet, en particulier celle de cette équipe hollandaise (3) qui a donné quotidiennement à des athlètes masculins 120 µg d’IGF-1, soit l’équivalent de presque 10 litres de lait cru, mélangés à du lait écrémé (donc avec présence de caséine), sans enregistrer de modification du taux sanguin d’IGF-1 chez les sujets de l’étude !
Sur le plan scientifique on ne dispose donc pas d’argument pour affirmer que l’IGF-1 des produits laitiers est susceptible de rejoindre la circulation sanguine, après absorption par les voies digestives.
Mais admettons un instant, pour les besoins de notre analyse, que 100% de l’IGF-1 consommé dans les produits laitiers passe la barrière intestinale. Que représenterait cet apport comparé à notre production endogène ?
Là encore, il existe peu de données, mais des équipes suisse et suédoise ont estimé qu’un homme en bonne santé produit entre 3,5 et 10 mg d’IGF-1 par jour (4). Cela permet d’établir que la quantité moyenne d’IGF-1 contenue dans un litre de lait (12,5 µg) représente entre 0,1 et 0,4% de notre production quotidienne. C’est à dire quasiment rien. Quantité qui, de surcroît, pourrait être partiellement détruite par le processus digestif.
On voit donc mal, au regard de ses résultats, comment les facteurs de croissances du lait pourraient avoir une quelconque incidence directe sur notre santé. Que vous consommiez des produits laitiers provenant de petits animaux (chèvre, brebis...) ou de gros animaux (jument, vache), la part de facteurs de croissance absorbée sera donc tout aussi négligeable pour influer sur la croissance de vos cellules.
Pourtant il a été démontré que les peuples du nord très consommateurs de lait depuis de nombreuses générations (Suède, Danemark, Finlande...) ont des taux sanguins d’IGF-1 plus élevés que la moyenne, ce qui se traduit par une taille supérieure (mais sans surpoids). Tout comme les Massais d’ailleurs ! De plus, une étude d’intervention menée en Angleterre suggère que des jeunes filles qui reçoivent un demi-litre de lait par jour pendant 18 mois voient leur taux d’IGF-1 atteindre un niveau plus élevé que celui du groupe contrôle.
Comment expliquer cette corrélation ?
Si les produits laitiers n’apportent pas directement à notre organisme des quantités significatives de facteurs de croissances, nous verrons le mois prochain comment ils peuvent induire (indirectement) une hausse de nos taux sanguins de facteurs de croissance et quelles répercussions cela pourrait avoir sur notre organisme.
(1) Rowlands MA, Gunnell D, Harris R, Vatten LJ, Holly JM, Martin RM. Circulating insulin-like growth factor peptides and prostate cancer risk: a systematic review and meta-analysis. Int J Cancer. 2009 May 15;124(10):2416
(2) Mucci LA, Stark JR, Pollak MN, Li H, Kurth T, Stampfer MJ, Ma J. Plasma levels of acid-labile subunit, free insulin-like growth factor-I, and prostate cancer risk: a prospective study. Cancer Epidemiol Biomarkers Prev. 2010 Feb;19(2):484-91.
(3) Kuipers H, van Breda E, Verlaan G, Smeets R. Effects of oral bovine colostrum supplementation on serum insulin-like growth factor-I levels. Nutrition. 2002 Jul-Aug
Commenti